BOUDDHISME - Littératures et écoles bouddhiques

BOUDDHISME - Littératures et écoles bouddhiques
BOUDDHISME - Littératures et écoles bouddhiques

Sauf durant la vie du Buddha, la communauté monastique n’a jamais été unie sous une direction ayant le pouvoir de maintenir sa cohésion et de définir et imposer une orthodoxie, comme le fit longtemps la papauté dans le christianisme. L’expansion géographique du bouddhisme, la souplesse avec laquelle il s’adapta aux mentalités et aux modes de vie des populations fort diverses parmi lesquelles ils se répandit, les multiples problèmes nouveaux qu’il dut résoudre sans trouver une solution claire et certaine dans les enseignements du Bienheureux, tout cela contribua à diviser cette communauté en groupes de plus en plus nombreux et différents.

Ce que le bouddhisme perdit ainsi en cohésion sociale et en unité doctrinale, il le gagna largement en liberté de penser – en particulier pour interpréter les paroles attribuées au Buddha – et, par conséquent, en hardiesse et en profondeur intellectuelles, toutes qualités qui expliquent l’ampleur et la richesse de sa littérature comme la diversité et la subtilité de sa philosophie.

1. Le bouddhisme antique

Nous avons d’excellentes raisons de douter de l’historicité du concile qui, selon la tradition, se serait réuni à R jag リha quelques mois après le Parinirv ユa pour réunir et réciter en chœur tous les sermons du Buddha et toutes les règles monastiques qu’il avait énoncées. Cependant, cette légende prouve que, peu après la disparition de leur maître, les moines se préoccupèrent de conserver les enseignements de celui-ci, lequel n’avait rien écrit, puisque l’écriture était encore inconnue dans l’Inde gangétique à cette époque. Jusque vers le début de l’ère chrétienne, où ils furent enfin fixés par écrit, ces enseignements furent transmis uniquement par voie orale.

Quoique la mémoire des moines fût très exercé, et que fût sincère leur fidélité à la parole ou à la pensée du Buddha, ce mode de transmission rendit possibles de très nombreuses modifications dans l’expression et de multiples additions, sans doute aussi un certain nombre d’oublis, voire de suppressions volontaires. Toutes ces altérations furent aggravées par le fait que, pendant ces cinq siècles de transmission orale, la communauté se divisa en plusieurs sectes dont chacune eut sa propre tradition et s’efforça de prouver l’orthodoxie de ses positions doctrinales et l’authenticité des règles disciplinaires qu’elle imposait à ses moines.

Les schismes et les sectes

La communauté monastique ne demeura unie que pendant un siècle après le Parinirv ユa, puis elle se divisa en une vingtaine de sectes au cours des cinq ou six siècles qui suivirent. Si vives qu’aient été les querelles aboutissant à ces divisions, les relations demeurèrent en général assez bonnes entre les adhérents de ces divers groupes et ne donnèrent que rarement lieu à des conflits aigus.

Le premier schisme se serait produit vers le milieu du IVe siècle avant J.-C., déchirant la communauté primitive en deux groupes, les Mah s ュghika et les Sthavirav din. Les premiers, les plus nombreux, admettaient que l’arhant , le saint arrivé au nirv ユa , conserve certaines imperfections mineures, ce que niaient résolument les seconds. De ces derniers se seraient séparés, un demi-siècle plus tard, les V ts 稜putr 稜ya, qui soutenaient l’existence d’une personne (pudgala ) transmigrant d’une existence à une autre et essentiellement différente du «soi» brahmanique, mais n’étant ni identique aux cinq agrégats (skandha ) de phénomènes matériels et psychiques composant l’individu, ni distincte de ceux-ci. Quelque cinquante ans plus tard, une nouvelle scission des Sthavirav din donna naissance aux Sarv stiv din, lesquels affirmaient que «tout existe», le passé et le futur comme le présent, afin d’expliquer comment l’acte passé exerce son effet dans le présent ou l’avenir. Vers le début du IIe siècle avant J.-C., une autre querelle aurait éclaté parmi les Sthavirav din, opposant les Mah 稜 ご saka aux Dharmaguptaka. Les premiers soutenaient que, le Buddha faisant partie de la communauté, le don fait à sa personne seule ne procure pas un grand fruit, celui-ci étant obtenu par une offrande à la communauté. Les seconds prétendaient exactement le contraire et accordaient donc une très grande importance au culte rendu au Bienheureux. Plus tard encore, deux autres grandes sectes apparurent, les Sautr ntika et les Sa ュmat 稜ya, qui se séparèrent, les premiers des Sarv stiv din, les seconds des V ts 稜putr 稜ya.

Les Mah s ュghika n’échappèrent pas aux divisions successives, mais nous ignorons les dates de celles-ci. L’une de leurs principales sectes est celle des Lokottarav din ; selon ces derniers, les buddha sont entièrement supramondains (lokottara ), c’est-à-dire parfaitement purs de corps et d’esprit, et libres de toutes les limitations de puissance, de savoir et autres auxquelles sont soumis les êtres vivants dans le monde. Pour les Prajñaptiv din, les êtres et les choses ne sont que de simples désignations (prajñapti ), dépourvues de toute réalité substantielle; les Bahu ごrut 稜ya soutenaient une thèse assez voisine. Peu avant le début de l’ère chrétienne, une partie des Mah s ュghika alla s’implanter sur la basse Krishn et y donna naissance à d’autres sectes qui y prospérèrent, notamment celles des P rva ごaila et des Apara ごaila.

De toutes les sectes antiques, une seule a subsisté jusqu’à nos jours, celle des Therav din ; elle est encore florissante à Ceylan, en Thaïlande et en Birmanie (elle l’était naguère aussi au Cambodge et au Laos). Toutes les autres ont disparu depuis plus de mille ans, et, avec elles, les neuf dixièmes de leur littérature, le reste étant conservé en majeure partie en traduction chinoise. En revanche, presque toute la littérature des Therav din nous a été transmise, en sa langue originelle, le p li, proche du sanskrit. Les Therav din prétendent s’indentifier avec les antiques Sthavirav din et ils revendiquent en conséquence la plus grande ancienneté et surtout la plus totale fidélité aux enseignements donnés par le Buddha à ses disciples directs. En réalité, si de telles prétentions sont parfaitement justifiées par rapport au Mah y na et au bouddhisme tantrique, elles ne le sont aucunement par rapport aux autres sectes antiques. Comme on peut aisément le prouver, la secte des Therav din n’est ni plus ni moins ancienne et orthodoxe que ne l’étaient celles-ci, puisque, comme elles, elle a pris parti dans des centaines de disputes doctrinales et autres sur autant de problèmes ignorés du Bienheureux et qu’elle a en conséquence largement complété, voire modifié, les enseignements authentiques de celui-ci.

La littérature canonique

Telle qu’elle fut fixée séparément par chaque secte selon sa tradition propre vers le début de l’ère chrétienne, la littérature canonique du bouddhisme antique se compose essentiellement de deux vastes recueils (pi レaka ) contenant, l’un les sermons (s tra , p li sutta ) attribués au Buddha, l’autre les règles de discipline (vinaya ) monastique qui auraient été édictées par lui. Ces sermons et ces règles sont au nombre de plusieurs milliers dans le recueil de chaque secte, et une grande partie des uns comme des autres est précédée d’un récit précisant où et dans quelles circonstances le Bienheureux a parlé ainsi. Si les règles sont classées très rationnellement, les sermons sont réunis sans ordre logique en quatre ou cinq collections ( gama , p li nik ya ). L’une de celles-ci renferme des œuvres de genres fort divers, tels les légendes des «Naissances» (antérieures du Buddha) (J taka ) et des recueils de très belles stances édifiantes, comme le célèbre Dhammapada p li et l’Ud navarga sanskrit.

Outre le Sutta-pi レaka des Therav din, conservé intégralement en p li, nous possédons des traductions chinoises de deux gama des Sarv stiv din, d’un autre des Dharmaguptaka et d’un quatrième ayant sans doute appartenu à une secte issue des Mah s ュghika. Par chance, nous avons six Vinaya -pi レaka complets, celui des Therav din en p li, ceux des Mah s ュghika, des Mah 稜 ご saka, des Dharmaguptaka et des Sarv stiv din en traduction chinoise, et celui, immense et très tardif, d’une secte dont on ne connaît guère que le nom, les M lasarv stiv din, et qui nous est parvenu à la fois dans ses traductions chinoise et tibétaine, et partiellement en sanskrit.

Plusieurs sectes incluaient dans leur littérature canonique un troisième recueil, celui de la doctrine approfondie (abhidharma , p li abhidhamma ), dans lequel les éléments doctrinaux étaient classés méthodiquement, définis et complétés selon les idées propres au groupe auquel il appartenait. Trois seulement de ces recueils nous ont été transmis, dans leur intégralité: celui des Therav din en p li, et les traductions chinoises de celui des Sarv stiv din et de celui d’une secte qui semble bien être celle des Dharmaguptaka.

La littérature postcanonique

À part les œuvres des Therav din, qui nous ont presque toutes été transmises dans leur p li originel, et les plus importants ouvrages des Sarv stiv din, ils ne nous reste presque rien de la littérature post-canonique du bouddhisme antique. Signalons seulement le Mah vastu , une biographie légendaire du Buddha due aux Lokottarav din, et le Satyasiddhi un gros traité doctrinal conservé en traduction chinoise et rédigé par un Bahu ごrut 稜ya nommé Harivarman.

Les ouvrages des Therav din postérieurs au début de l’ère chrétienne, tous écrits en p li, sont nombreux et variés. Aux IVe et Ve siècles après J.-C., trois grands docteurs, Buddhadatta, Buddhaghosa et Dhammap la, ont rédigé l’ensemble des commentaires des textes canoniques de la secte. Le même Buddhaghosa, dont la science était fort grande, est aussi l’auteur d’un célèbre traité intitulé Visuddhimagga ou «Voie de la pureté», dans lequel est expliquée l’essence de la doctrine des Therav din, et qui fut lui-même abondamment commenté par la suite.

La littérature p li a fait une assez large place à un genre littéraire presque entièrement négligé par la culture indienne, à savoir l’historiographie. Le D 稜pava ュsa , rédigé au IVe siècle, le Mah va ュsa , dû à un certain Mah n ma vivant au VIe siècle, et leur complément, le C ヤava ュsa , nous racontent en vers toute l’histoire de Ceylan depuis l’époque du Buddha jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, plus précisément l’histoire de ses rois et de sa communauté monastique.

La littérature p li contient, en outre, nombre de traités fort divers, de poèmes religieux et de recueils de légendes édifiantes, qui nous apportent de nombreux renseignements sur la mentalité bouddhique et la culture cinghalaise.

C’est sans doute à leur position dominante dans le nord-ouest de l’Inde, sur la route de l’Asie centrale et de la Chine, que l’on doit la survie d’une partie importante de la littérature des Sarv stiv din, parvenue jusqu’à nous dans ses traductions chinoise et tibétaine, mais très rarement en sanskrit. Outre la plus grande partie de ses textes canoniques (Vinaya -pi レaka et Abhidharma -pi レaka complets, plus la moitié de son S tra -pi レaka ), elle comprend plusieurs œuvres doctrinales. La plus ancienne est sans doute la volumineuse Mah vibh ル ou «Grand Commentaire» de la partie principale de leur Abhidharma -pi レaka , conservée en traduction chinoise. Viennent ensuite toute une série de traités dont le plus célèbre est l’Abhidharmako ごa , «Trésor de la doctrine approfondie», rédigé en vers et en prose par Vasubandhu au IVe siècle. Traduit en chinois, puis en tibétain, conservé en partie en sanskrit, il fut l’objet de nombreux commentaires dont les versions chinoises ou tibétaines sont parvenues jusqu’à nous, ainsi que le texte sanskrit de l’un d’eux.

Grandeur et décadence du bouddhisme antique

De nombreuses inscriptions et les relations de voyage des pèlerins bouddhistes chinois nous permettent d’avoir une idée de la répartition géographique, de la prospérité et du déclin des sectes antiques. Ce tableau reste cependant flou et incomplet, sauf pour le VIIe siècle, où les renseignements fournis par Hiuan-tsang et Yi-tsing sont à la fois abondants et précis.

Nous savons ainsi qu’à cette époque le bouddhisme antique était encore très florissant presque partout dans l’Inde et les pays voisins, quoique plusieurs sectes, notamment parmi celles qui sont issues des Mah s ュghika, eussent presque disparu déjà et que certains anciens lieux saints du bouddhisme fussent ruinés et déserts. Les Sarv stiv din dominaient tout le nord-ouest de l’Inde et l’Asie centrale, les Sa ュmat 稜ya tout l’ouest du Dekkhan et le bassin inférieur de l’Indus, les Therav din le sud du Dekkhan et Ceylan, leur fief inexpugnable. Les Lokottarav din étaient encore nombreux au centre de l’actuel Afghanistan, comme les Sarv stiv din, les Mah 稜 ご saka et les Dharmaguptaka l’étaient en Chine.

2. Le Mah size=5y size=5na

L’hypothèse qui prétendait trouver l’origine du «Grand Véhicule» chez les Sarv stiv din, dans le nord-ouest de l’Inde, doit être abandonnée. Comme l’a bien montré notamment Edward Conze, les premières manifestations du Mah y na sont apparues, à la fin du Ier siècle avant J.-C., parmi les sectes issues des Mah s ュghika, plus précisément sans doute chez les P rva ごaila et les Apara ごaila établis en pays ndhra, sur les bords de la basse Krishn .

Les «s size=5tra» du Mah size=5y size=5na

Contrairement à celle du bouddhisme antique, la littérature du Mah y na a été conservée en majeure partie, surtout pour ses œuvres importantes, soit sous sa forme indienne, le sanskrit, soit dans ses traductions chinoise et tibétaine. Elle s’est, en effet, maintenue jusqu’au XXe siècle dans la plupart des sectes de l’Extrême-Orient comme de celles du Tibet et de la Mongolie; elle y est regardée comme ayant valeur canonique, didactique ou édifiante selon ses ouvrages. Par le nombre de ceux-ci comme par son volume total, elle est beaucoup plus vaste que la littérature du bouddhisme antique, laquelle est pourtant considérable.

Les plus anciens textes mah y niques furent des ébauches de ceux que l’on appelle Prajñ paramit -s tra , «Sermons sur la perfection de sagesse». Il s’agit là de toute une classe d’ouvrages dont certains sont très courts et d’autres, au contraire, d’une longueur démesurée. Tous ont en commun d’être des sermons du Buddha traitant des deux thèmes majeurs du Mah y na: la carrière des bodhisattva , «êtres [qui se destinent à] l’Éveil» en portant à sa perfection (p ramit ) la pratique de toutes les vertus, et singulièrement celle de la sagesse (prajñ ); la vacuité ( ご nyat ) de nature propre (sva -bh va ) de toutes les choses et de tous les êtres, vacuité qui est d’ailleurs l’objet essentiel de la perfection de sagesse.

Les autres s tra du Mah y na se caractérisent surtout par l’immense place qu’y occupent les éléments merveilleux, prodiges grandioses, interventions de personnages appartenant à une mythologie aussi riche que nouvelle, Buddha, bodhisattva , dieux de toutes sortes, nombres vertigineusement élevés. Le Buddha historique, Gautama, y cède souvent la place centrale qui était la sienne dans la littérature antique à d’autres Buddha purement imaginaires, tel Amit bha, ou à des bodhisattva tout aussi légendaires, au premier rang desquels figure le grand sauveur tout compatissant Avalokite ごvara, que vénèrent et prient avec une dévotion particulière les fidèles du Mah y na. Certains de ces s tra sont de très longs ouvrages ou de vastes recueils de sermons.

Tels sont le Saddharmapu ユボar 稜ka ou «Lotus de la vraie doctrine» – le plus célèbre, dont le texte sanskrit nous est parvenu en entier, dont on a aussi plusieurs traductions chinoises et qui est l’œuvre canonique fondamentale d’une grande partie du bouddhisme extrême-oriental –, le Mah parinirv ユa ou «Grande Extinction suprême» et le Mah sa ュnip ta ou «Grande Assemblée»; ces deux derniers sont conservés en version chinoise et à l’état fragmentaire en sanskrit. Le Buddh vata ュsaka , «Guirlande des buddha» et le Ratnak レa , «Amas de joyaux», dont nous possédons les traductions chinoise et tibétaine complètes, mais seulement des parties de leur texte sanskrit, sont des recueils de sermons comme les deux précédents.

Le La face="EU Updot" 臘k vat ra , ou «Descente à Ceylan», qui est nettement plus court, nous a été transmis intégralement en sanskrit et dans ses traductions chinoise et tibétaine. Le Lalitavistara , ou «Développement des jeux», est une biographie légendaire du Buddha Gautama, qui est d’origine sarv stiv din mais a été remaniée et complétée par des auteurs mah y nistes; nous en possédons le texte sanskrit et des traductions chinoises et tibétaines. Il en va de même de l’Amit yus , qui exalte le culte du Buddha de ce nom et qui est l’ouvrage canonique de base des sectes amidistes, encore très actives aujourd’hui en Extrême-Orient.

La littérature paracanonique du Mah size=5y size=5na

On peut considérer comme telle toute une partie de la littérature du Mah y na qui apparaît dès les premiers siècles de l’ère chrétienne et comprend des œuvres de genres très divers, édifiantes et attribuées à des auteurs définis, ayant généralement une haute valeur littéraire.

Il en est ainsi notamment des œuvres bouddhiques du grand poète que fut A ごvagho ルa, qui vécut vers le IIe siècle. Deux d’entre elles ont été retrouvées entières en sanskrit: le Buddhacarita , ou «Conduite du Buddha», biographie complète de Gautama, en vers de style raffiné, et le Saundarananda , légende qui a pour thème la conversion d’un cousin du Buddha; il existe aussi une traduction chinoise de la première. On n’a malheureusement retrouvé que des fragments, en sanskrit, des drames bouddhiques écrits par A ごvagho ルa.

Son contemporain M t リceta est l’auteur de plusieurs hymnes de louanges au Buddha ou à d’autres personnages; le plus célèbre est le えatapañc ごatkabuddhastotra , ou «Cent cinquante strophes de louanges au Buddha», qui nous est parvenu en sanskrit et dans ses traductions chinoise et tibétaine. Ce genre littéraire devait vite se développer au sein du Mah y na et du tantrisme.

Le même M t リceta écrivit aussi une «Épître au grand roi Kanika», Mah r jakanikalekha , conseils sur la conduite que doit suivre un souverain, conservée seulement en version tibétaine. À son éminent contemporain N g rjuna est attribuée une autre lettre célèbre, le Suh リllekha , ou «Lettre à un ami», qui est destinée à un roi du Dekkhan et dont nous possédons des traductions chinoise et tibétaine, mais non le texte sanskrit.

Comme la littérature du bouddhisme antique, celle du Mah y na contient plusieurs recueils de légendes édifiantes. Les plus célèbres sont la J takam l , ou «Guirlande des naissances» (antérieures du Buddha), conservée en sanskrit et partiellement en traduction chinoise, et la Kalpan ma ユボitik , «Ornée par l’imagination», parvenue jusqu’à nous en traduction chinoise et à l’état fragmentaire en sanskrit. Le premier, au style élégant, est l’œuvre du poète rya ご ra et le second, qui conte les légendes de saints bouddhistes, est de Kum ral ta, qui vivait au IIIe siècle.

Les écoles et les sectes du Mah size=5y size=5na

La plupart des divisions de la commaunauté mah y niste sont plutôt des écoles que des sectes. On ignore si leurs adeptes formaient déjà, dès les premiers temps, des groupes séparés de ceux des moines du bouddhisme antique ou s’ils continuaient à appartenir à certaines sectes de ce dernier, en en conservant les enseignements doctrinaux et les pratiques auxquels ils ajoutaient ceux et celles qui étaient propres au Mah y na.

La plus ancienne de ces écoles est celle des M dhyamika, fondée par N g rjuna vers le milieu du IIIe siècle après J.-C., peut-être au bord de la basse Krishn . Il s’agit bien là d’une école doctrinale et non d’une secte religieuse, car N g rjuna, l’un des plus grands penseurs indiens, entendait seulement démontrer la thèse de la vacuité universelle, thème central des Prajñ p ramit -s tra , à l’aide d’une dialectique particulière et fort subtile. Il choisissait des couples de notions contraires, qu’il rejetait l’une et l’autre pour ne garder que le «milieu», d’où le nom de son école: «celle du milieu» (m dhyamika ), lequel n’était autre que la vacuité.

L’autre grande école du Mah y na, fondée par Asa face="EU Updot" 臘ga un siècle plus tard dans le nord-ouest de l’Inde, est nommée soit Vijñ nav din, «qui enseigne la conscience-connaissance», soit Yog c ra, «qui pratique le yoga». Le premier nom se rapporte à la doctrine de l’école qui fait de la conscience-connaissance (vijñ na ) – c’est-à-dire de la pensée, en acte ou en puissance – la substance de toute réalité et qui tire de là non une dialectique comme celle de N g rjuna, mais un système très complexe. Le second nom tient à l’insistance mise par cette école sur la pratique des méditations et des exercices analogues du yoga, lesquels possèdent une efficacité accrue dans un monde où la matière s’est entièrement dissoute en sensations et en idées.

Au contraire des deux précédentes, c’est comme étant une secte et non une école que doit être considéré l’important groupe des dévots du Buddha Amit bha ou Amit yus. Purement imaginaire, celui-ci habiterait une sorte de paradis nommé Sukh vati, qui serait situé à l’ouest, à une distance fabuleuse de la Terre, et dans lequel renaîtraient pour toujours, dès leur prochaine existence, les hommes qui prononcent simplement, fût-ce en pensée, la très brève formule d’hommage à ce Buddha.

Les traités du Mah size=5y size=5na

L’ouvrage fondamental de N g rjuna est le Madhyamaka - ご stra , «Traité du Madhyamaka», exposé en vers, bref mais complet, de la doctrine du grand penseur. Il nous est parvenu en sanskrit et en traduction chinoise et tibétaine, alors que le court commentaire qu’en avait rédigé N g rjuna lui-même, intitulé Akutobhay , n’existe plus qu’en sa version tibétaine. Quant à l’attribution à N g rjuna du Mah prajñ p ramit - ご stra , «Traité de la grande vertu de sagesse», immense commentaire de l’un des principaux Prajñ p ramit -s tra , conservé seulement en traduction chinoise, on sait maintenant qu’elle est erronée et que l’auteur de ce gros ouvrage était un Sarv stiv din anonyme fraîchement converti au Mah y na.

Les disciples de N g rjuna, directs ou non, ont surtout écrit des commentaires de l’œuvre de leur maître. Parmi les plus importants, il faut citer ryadeva, dont le Catu ム ごataka , ou «Quatre centaines» (de strophes), n’est conservé intégralement qu’en version tibétaine et partiellement seulement en sanskrit et en traduction chinoise, et Candrak 稜rti, dont la Prasannapad , «Celle dont les mots sont clairs», précieux commentaire du traité de N g rjuna, rédigé à la fin du VIe siècle, est conservé intégralement en sanskrit et en tibétain. À え ntideva, qui vivait au début du VIIIe siècle, on doit deux œuvres très importantes et différentes des précédentes: le Bodhicary vat ra , «Descente dans la carrière de l’éveil», qui décrit en de fort beaux vers la voie suivie par les bodhisattva , et le えik ル samuccaya , ou «Accumulation des préceptes», vaste compilation décrivant l’ensemble des règles de conduite que doivent observer les bodhisattva . L’un et l’autre nous sont parvenus en sanskrit et en traductions chinoise et tibétaine.

L’ouvrage le plus volumineux de la littérature des Vijñ nav din est le Yog c rabh mi - ご stra , ou «Traité des étapes des maîtres de yoga», vaste somme de leur doctrine, attribuée à Asa face="EU Updot" 臘ga ou à un mystérieux Maitreyan tha qui aurait été son maître; sa traduction chinoise est complète, et il en existe aussi des parties en sanskrit et en version tibétaine. C’est aussi à Maitreyan tha que l’on attribue l’Abhisamay la face="EU Updot" 臘k ra , ou «Ornement de la compréhension claire», qui, conservé en sanskrit et en traduction tibétaine, expose méthodiquement la doctrine enseignée dans l’un des principaux Prajñ p ramit -s tra . On ne conteste pas à Asa face="EU Updot" 臘ga la paternité du Mah y nasa ュgraha , ou «Compendium du Grand Véhicule», ni celle de l’Abhidharmasamuccaya , ou «Accumulation de la doctrine approfondie», qui n’existent plus que dans leurs traductions chinoise et tibétaine. Dans le premier, Asa face="EU Updot" 臘ga expose sa doctrine de façon précise et, dans le second, il utilise à cette fin la forme si particulière des antiques Abhidharma -pi レaka .

Vasubandhu, frère et disciple d’Asa face="EU Updot" 臘ga, est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont les plus célèbres sont la Vi ュ ごatik , ou «Vingtaine» (de strophes), et la Tri ュ ごik , ou «Trentaine» (de strophes), qui résument en vers l’enseignement des Yog c ra et qui ont été conservés à la fois en sanskrit et en traductions chinoise et tibétaine. Les autres docteurs des Vijñ nav din, parmi lesquels on doit nommer surtout Gu ユamati et Sthiramati, qui vécurent tous deux au VIe siècle, rédigèrent des commentaires des ouvrages d’Asa face="EU Updot" 臘ga et de Vasubandhu.

C’est chez les Vijñ nav din qu’apparut, dès le début du VIe siècle, une très importante école de logiciens dont le fondateur fut Di face="EU Updot" 臘n ga. Celui-ci est notamment l’auteur du Ny yamukha , ou «Bouche de la logique», du Pram ユasamuccaya , ou «Accumulation des critères», et de l’ la ュbanapar 稜k ル , ou «Examen des objets», courts mais célèbres traités, qui sont perdus en sanskrit mais dont les traductions chinoise et tibétaine nous sont parvenues. Son principal disciple, Dharmak 稜rti, écrivit au début du VIIe siècle un autre bref traité, le Ny yabindu , ou «Goutte de logique», et un autre, le Pram ユav rttika , «Complément sur les critères», beaucoup plus long; tous les deux existent en sanskrit et en traduction tibétaine.

3. Le bouddhisme tardif ou tantrique

Le bouddhisme tardif, que l’on appelle tantrique – du nom donné à ses ouvrages principaux –, n’est pas essentiellement différent du Mah y na; il n’est que le résultat de l’évolution de celui-ci, et tout particulièrement du développement de certains de ses aspects pratiques. Fermement fondé sur la doctrine de la vacuité et sur celle de la nature mentale du monde apparemment matériel, il en tire résolument les conséquences les plus extrêmes, en utilisant la plus grande variété de méthodes de méditation et de yoga, de rituel et de magie pour atteindre la lumineuse sérénité de la Délivrance. Cela explique les aspects paradoxaux ou choquants, voire scandaleux, de certaines de ces pratiques, ou sans doute, plus généralement, de l’expression qui en est donnée.

Cette évolution du bouddhisme trouve son parallèle dans l’hindouisme de la même époque, les deux religions employant des techniques analogues en les adaptant à leurs doctrines propres. Cette similitude aboutira peu à peu à une sorte de syncrétisme, puis à l’absorption du bouddhisme par l’hindouisme dans l’Inde orientale après le XVe siècle.

La littérature canonique du bouddhisme tardif

Bien que des formules rituelles (mantra ) et des formules «porteuses de science» (magique) (vidy dh ra ユ 稜 ) aient été souvent incluses dans des s tra mah y niques, c’est seulement à partir du VIIe siècle que sont rédigés des ouvrages ou des recueils exposant méthodiquement les idées et surtout décrivant les pratiques propres à ce genre de bouddhisme. Comme la littérature du Mah y na, et pour les mêmes raisons, celle du bouddhisme tardif nous est parvenue en majeure partie dans ses traductions chinoise et tibétaine, et seulement en partie dans ses textes sanskrits originels.

Certains de ses ouvrages les plus anciens portent encore le nom de s tra , car ils ont gardé la forme particulière des œuvres canoniques du Mah y na, mais leur enseignement est analogue à celui des tantra . C’est le cas du Mañju ごr 稜m lakalpa , «Règle de conduite fondamentale du (bodhisattva ) Mañju ごr 稜», conservé à la fois en sanskrit et en traductions chinoise et tibétaine, ainsi que du Mah vairocana et du Vajra ごekhara , ou «Crête de diamant», qui datent du VIIe siècle et traitent du culte du Buddha mythique Mah vairocana et de l’union mystique avec lui; ils nous ont été transmis tous les deux en version chinoise; en outre, le premier existe en traduction tibétaine et le second en sanskrit.

Les autres œuvres principales du bouddhisme tardif portent le nom générique de tantra , emprunté à l’hindouisme. Elles décrivent en grand détail d’innombrables pratiques rituelles, règles de conduite et exercices de yoga menant à l’union mystique, plus exactement à l’identification avec un Buddha nommé Mah vairocana, Heruka, えambara ou autrement encore. Elles servent de base à l’enseignement ésotérique du symbolisme de ces pratiques, les Buddha en question n’étant autres que des personnifications imaginaires, créées par une intense concentration mentale, de la réalité ultime, et notamment de la vacuité. Ces tantra se présentent sous l’aspect de volumineuses collections d’ouvrages, différant entre elles par l’identité du Buddha dont elles recommandent le culte, ainsi que par le détail des règles et des exercices qu’elles décrivent.

Le plus ancien des tantra est sans doute le Guhyasam ja , ou «Rencontre du secret», car certains des ouvrages qui le composent remontent au VIIe siècle. Conservé en sanskrit et partiellement en traductions chinoise et tibétaine, il est centré, lui aussi, sur le Buddha Mah vairocana, mais celui-ci y apparaît uni à des parèdres féminines, ce qui est un trait caractéristique des tantra . Existant à la fois en sanskrit et dans ses versions chinoise et tibétaine, le Hevajra -tantra , de la même époque, traite du culte de Hevajra et de ses divines compagnes. Composé à la fin du VIIIe siècle, le えambara décrit celui du Buddha dont il porte le nom; nous le possédons en sanskrit et en traduction tibétaine.

Les écoles et les sectes

La nature des documents dont nous disposons ne nous permet généralement pas de savoir si les divisions de la communauté bouddhiste tardive étaient de simples écoles ou de véritables sectes, bien que l’ésotérisme de leur enseignement et les liens particuliers qui unissaient les disciples aux maîtres nous inclinent à choisir la seconde hypothèse.

Sans doute doit-on regarder comme une secte le groupe dont les chefs étaient appelés «parfaits» (siddha ), à cause de leur profonde sagesse et de leurs dons de thaumaturges, et se présentent comme des personnages plus ou moins légendaires; leur longue lignée remonterait au moins au VIIe siècle. Leur enseignement faisait une large place à la doctrine de l’«inné» (sahaja ), qui entendait utiliser la puissance des passions plutôt que la combattre directement, et qui donnait en conséquence une importance particulière au symbolisme érotique.

On leur doit nombre d’ouvrages didactiques, dont plusieurs ont été conservés en sanskrit. Parmi ceux-ci, il faut citer le Pañcakrama , ou les «Cinq Étapes» (de la voie tantrique), dont l’auteur serait un N g rjuna différent du maître des M dhyamika, la Jñ nasiddhi ou «Perfection du savoir», dû à Indrabh ti, l’Advayasiddhi , ou «Perfection de la non-dualité», écrit par la sœur du précédent, Laksm 稜ñkar , et la Guhyasiddhi , ou «Perfection du secret», de Padmavajra. À d’autres maîtres du même groupe, on doit divers commentaires de tantra et des traités de technique rituelle ou d’iconographie, l’image étant nécessaire pour la «réalisation» (s dhana ), par une concentration mentale intense, des divinités que l’on voulait honorer ou avec qui l’on voulait s’unir. Le plus important de ces traités est la S dhanam l , «Guirlande des réalisations», vaste compilation du XIe siècle.

L’autre grand groupe, celui du K lacakra , ou «Cercle du temps», forme une école bien caractérisée, apparue vers le XIe siècle. Comme le montrent son œuvre fondamentale, le K lacakra -tantra , et son célèbre et volumineux commentaire, le Vimalaprabh , ou «Splendeur immaculée», tous les deux conservés en sanskrit, sa doctrine accorde une importance majeure à la méditation sur le cycle du temps ainsi qu’à la puissance de la colère et, par conséquent, aux formes irritées des divinités. Elle connaît en outre et vénère particulièrement un dibuddha, ou «Buddha originel», qui est encore appelé Svayambhu, «Existant par lui-même», et qui est en quelque sorte l’équivalent bouddhique du Brahma hindou, le dieu de la création.

Un grand nombre des ouvrages propres à ces deux écoles furent traduits en tibétain, mais aucun ne le fut en chinois. D’une façon générale, du reste, le bouddhisme tantrique ne put prendre racine en Chine; seules quelques parties de sa littérature canonique ancienne, notamment le Mah vairocana s tra , arrivèrent dans ce pays au cours du VIIIe siècle en passant par l’Inde du Sud, Ceylan et la voie maritime; encore furent-elles généralement épurées pour qu’elles ne choquent pas les pieux bouddhistes d’Extrême-Orient. Au contraire, le Tibet, où le bouddhisme ne pénétra guère qu’à partir du VIIIe siècle, accueillit très largement les formes tantriques de celui-ci, qui y fleurissaient alors sur ses frontières du sud et du sud-ouest, au Bengale et au Bihar comme au Cachemire. Leur présence est aussi attestée par des vestiges archéologiques plus ou moins importants à Ceylan, en Asie du Sud-Est et en Indonésie, où il reste, en outre, la traduction javanaise d’une de leurs œuvres.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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